Plus d'un accident a frappé ce mot. D'abord il est neutre d'origine, et ce n'est qu'en le dénaturant qu'on en a fait un verbe actif. Puis, il est aussi éloigné qu'il
est possible de la signification que l'usage moderne lui a infligée. La très ancienne langue ne connaissait en cette acception que
decevoir, du latin
decipere, qui avait aussi donné l'infinitif
deçoivre, par la règle des accents. C'est seulement au quatorzième
siècle que
tromper prit le sens qu'il a aujourd'hui. La formation de cet ancien néologisme est curieuse.
Tromper ne signifiait
originairement que jouer de la trompe ou trompette. Par la faculté qu'on avait de rendre réfléchis les verbes neutres, on a dit, dans ce même sens de jouer de la trompe,
se tromper, comme
se dormir,
s'écrier, etc., dont les uns ne sont plus usités et dont les autres
sont restés dans l'usage. Dès lors il a été facile de passer à une métaphore où
se tromper de quelqu'un signifie se
jouer de lui. C'est ce qui fut fait, et les plus anciens exemples n'ont que cette forme. Une fois ce sens bien établi, et les verbes réfléchis neutres tendant à disparaître,
se tromper devint
tromper, pris d'abord neutralement, puis activement. Qui aurait imaginé, avant l'exemple mis sous les yeux du
lecteur, que la
trompette entrerait dans la composition du vocable destiné à se substituer à
décevoir dans
le parler courant ?