Fripon, au début de son emploi, signifia seulement gourmand, aimant à manger : c'est au dix-septième siècle que le changement de sens s'opère. Cependant
friponner, qui veut dire bien manger, commence au seizième siècle, dans Montaigne, à prendre le sens actuel et moderne. Aujourd'hui le sens original
est complètement oublié. Ici encore l'acception néologique a tué l'acception primitive. Tout en blâmant ces exécutions qui sacrifient complètement
l'ancien au nouveau, ce qui importe ici, c'est de concevoir par quelle déviation l'usage a passé de l'un à l'autre. Le
fripon (gourmand) est entaché
d'un défaut ; de plus, il est fort enclin aux petits larcins pour satisfaire sa gourmandise. C'est là que le néologisme a trouvé son point d'appui pour faire d'un
gourmand un filou.
Fripon aurait lieu de se plaindre d'avoir été ainsi métamorphosé. C'est une dégradation ; car, d'un défaut
léger et qui n'est pas toujours mal porté, on a fait un coquin, un voleur. D'autres mots tombent de plus haut ; mais ce n'en est pas moins une chute.