Supposez que nous ayons conservé l'ancien verbe
tentir (nous n'avons plus que le composé
retentir), et qu'à un certain
moment de son existence
tentir change subitement de signification, cesse de signifier faire un grand bruit, et prenne l'acception de rejaillir, ressauter ; vous
aurez dans cette supposition l'histoire de
bondir. Jusqu'au quatorzième siècle, il signifie uniquement retentir, résonner à grand bruit ;
puis tout à coup, sans qu'on aperçoive de transition, il n'est plus employé que pour exprimer le mouvement du saut ; il est devenu à peu près synonyme de
sauter. Nous aurons, je crois, l'explication de cet écart de signification en nous reportant au substantif
bond. Ce substantif, dont on ne trouve des exemples
que dans le cours du quatorzième siècle, n'a pas l'acception de grand bruit, de retentissement, qui appartient à l'emploi primitif du verbe
bondir ;
le sens propre en est mouvement d'un corps qui, après en avoir heurté un autre, rejaillit. C'est par le sens de rejaillissement que les deux acceptions, la primitive et la dérivée,
peuvent se rejoindre. Un grand bruit, un retentissement, a été saisi comme une espèce de rejaillissement ; et, une fois mis hors de la ligne du sens véritable,
l'usage a suivi la pente qui s'offrait, a oublié l'acception primitive et étymologique, et en a créé une néologique, subtile en son origine et très éloignée
de la tradition.