Deux genres de pathologie affectent ce mot : il n'a jamais dû être masculin, et jamais non plus il n'a dû signifier une substance vénéneuse.
Poison
est féminin d'origine ; car il vient du latin
potionem ; toute l'ancienne langue lui a donné constamment ce genre ; le peuple est fidèle
à la tradition, et il dit
la poison, au scandale des lettrés qui lui reprochent son solécisme, et auxquels il serait bien en droit de reprocher
le leur. C'est avec le dix-septième siècle que le masculin commence. Pourquoi cet étrange changement de genre ? On n'en connaît pas les circonstances, et on ne
se l'explique guère, à moins de supposer que
poisson, voisin de
poison par la forme, l'a attiré à soi et l'a
condamné au solécisme. Mais là n'est pas la seule particularité que ce mot présente ; il n'a aucunement, par lui-même, le sens de venin ; et
longtemps la langue ne s'en est servi qu'en son sens étymologique de boisson. Toutefois, il n'est pas rare que la signification d'un mot, de générale qu'elle est d'abord,
devienne spéciale ; c'est ainsi que, dans l'ancienne langue,
enherber, qui proprement ne signifie que faire prendre des herbes, avait reçu le sens
de faire prendre des herbes malfaisantes, d'empoisonner. Semblablement
la poison, qui n'était qu'une boisson, a fini par ne plus signifier qu'une sorte de boisson,
une boisson où une substance toxique a été mêlée. Puis, le sens de toxique empiétant constamment, l'idée de boisson a disparu de
poison ;
et ce nom s'est appliqué à toute substance, solide ou liquide, qui, introduite dans le corps vivant, y porte le trouble et la désorganisation.