Eh quoi ! va-t-on me dire, vous écrivez
épellation par deux
l et
épeler par une
seule ; soyez donc conséquent, et mettez ou
épelation ou
épeller. Ami lecteur, ne m'accusez pas, c'est l'usage
qui le veut ; mais il n'a pas été judicieux, d'autant plus digne de blâme que
épellation est un néologisme qui n'aurait pas
dû présenter de difformité. Il est bien vrai que nous disons
appeler par une seule
l, et
appellation
par deux ; et c'est sur ce modèle qu'on s'est cru autorisé à écrire et à prononcer
épellation ; faible justification
d'une faute d'orthographe.
Appellation dérive non de
appeler, mais directement du latin
appellationem,
tandis qu'il n'y a point de latin
expellationem qui puisse donner
épellation ; ce mot vient donc
d'épeler,
et l'on n'avait pas la liberté de doubler
l. Mais qu'est ce verbe
épeler ? un très vieux mot qu'on trouve dans
nos anciens textes, qui n'a rien de commun avec
appeler et qui provient du germanique. Le sens propre en est expliquer, signifier ; la langue moderne, le détournant
de son acception générale, lui a donné l'acception spéciale de nommer les lettres pour en former un mot. Et vraiment, quand on lit dans un document du douzième
siècle :
Bethsames, cest nom espelt (ce nom veut dire)
cité de soleil, on touche le moderne
épeler.
Fait bien curieux, certains mots peuvent avoir une existence latente que rien ne révèle ; on les croirait morts et pourtant ils ne le sont pas.
Espeler
au sens d'expliquer, de signifier, est depuis longtemps hors d'usage ; il semblait oublié ; mais il ne l'était pas tellement que l'usage ne soit allé le chercher
dans sa retraite, et même l'ait assez rajeuni pour lui attribuer un emploi nouveau.