Proprement, ce mot signifie celui qui mange le lard, et encore aujourd'hui on dit, à propos de deux prétendants qui se disputent quelque chose : On verra qui mangera le lard.
En italien,
pappalardo veut dire goinfre, bafreur ; mais il signifie aussi faux dévot, hypocrite. Dans le français, même le plus ancien, il
n'a pas d'autre signification que celle de faux dévot. C'est manifestement un mot de plaisanterie, et c'est en plaisantant qu'on en est venu à attribuer aux mangeurs de lard une
qualification aussi défavorable que celle de l'hypocrite. Les textes ne donnent pas précisément la clef d'une dérivation si éloignée. Pourtant voici comment
j'imagine qu'on peut combler la distance entre le point de départ et le point d'arrivée. « Tel fait devant le
papelart, dit un vieux trouvère,
Qui par derrière
pape lart. »
Paper le lard, c'est-à-dire s'adjuger les bons morceaux par-derrière, c'est-à-dire
sans que les autres s'en aperçoivent, est un tour de
papelardie, et de cette papelardie il n'y a pas loin à celle de l'hypocrisie générale
qui ne se borne plus à paper le lard, mais qui se revêt du masque des vertus vénérées, le tout, il est vrai, pour faire son chemin ou sa fortune, comme ce bon
M. Tartuffe. En définitive, paper le lard et faire l'hypocrite sont devenus synonymes, et la plus ancienne langue s'est gaussée de la fausse dévotion, qui trompe sous un masque
respecté les imbéciles et qui s'adjuge les bons morceaux.