Je n'inscris pas
persifler dans la pathologie, parce que le simple
siffler a deux
ff, et que le composé
persifler n'en a qu'une ; cette anomalie est bizarre, mais de peu d'importance ; je l'inscris, parce que
persifler, quand on
en scrute la signification, ne paraît pas un produit légitime de
siffler. C'est un néologisme du dix-huitième siècle, aujourd'hui
entré tout à fait dans l'usage. Rien auparavant n'en faisait prévoir la création. Eh bien ! supposons qu'il n'existe pas, et imaginons qu'un de nos contemporains,
prenant le verbe
siffler, y adapte la préposition latine
per et donne au tout le sens de : railler quelqu'un, en lui adressant
d'un air ingénu des paroles qu'il n'entend pas ou qu'il prend dans un autre sens ; ne verrons-nous pas le nouveau venu mal accueilli ? et ne s'élèvera-t-il pas des
réclamations contre de telles témérités ? En effet, la signification d'une pareille composition demeure assez ambiguë. Est-ce
siffler
au sens de faire en sifflant une désapprobation, comme quand on dit : siffler une pièce, un acteur ? Non, cela ne peut être, car le persifleur ne siffle pas le persiflé.
Il est vraisemblable qu'ici siffler a le sens de siffler un oiseau, c'est-à-dire lui apprendre un air. Le persifleur siffle le persiflé ; et celui-ci prend bon jeu, bon argent,
ce que l'autre lui dit. Le cas n'aurait pas souffert de difficulté, si le néologiste avait dit
permoquer, moquer à outrance.
Permoquer
nous choque prodigieusement ; il n'est pourtant pas plus étrange que
persifler ; mais
persifler est embarrassant, parce
que
siffler n'a pas le sens de moquer. Tout considéré, il me paraît que les gens du dix-huitième siècle, en choisissant
siffler
et non
moquer, ont eu dans l'idée l'oiseau qu'on siffle et qui se laisse instruire comme veut celui qui le siffle.