Ces mots ne sont pas autre chose que le verbe
diviser, qui a pris une acception particulière. D'abord, nos aïeux avaient, euphoniquement, de la répugnance
pour la même voyelle formant deux syllabes consécutives dans un mot ; ils ont donc dit
deviser ; c'est ainsi que de
finire
ils avaient fait soit
fenir, soit
finer. Puis, usant à leur guise du sens du supin latin
divisum qui
leur avait donné
deviser, à nous
diviser, ils lui ont fait prendre l'acception de disposer, arranger, vu qu'une division
se prête à un arrangement des parties. De là,
devise a signifié manière, disposition, propos, discours ; ce sens a disparu de
la langue moderne, qui l'a transporté sur
devis, propos, et aussi tracé, plan, projet. Quant à la
devise d'aujourd'hui,
elle est née du blason, qui donnait ce nom à la division d'une pièce honorable d'un écu. La
devise du blason est devenue facilement synonyme
d'emblème ou de petite phrase d'un emblème. Au sens de partager en parties, l'ancienne langue disait non
diviser mais
deviser,
par la règle d'euphonie que j'ai rappelée ci-dessus.
Diviser est refait sur le latin et n'apparaît qu'au seizième siècle ; depuis
lors, il n'est plus trace de
deviser avec l'acception actuelle de
division. Si la langue moderne avait gardé
deviser
pour mettre en parties, on aurait vu tout de suite que
deviser, tenir des propos, était le même mot ; aujourd'hui
deviser
et
diviser sont deux, et ce n'est qu'une étymologie subtile, mais appuyée par les textes, qui en montre l'identité. En effaçant la trace
de cette identité ici et ailleurs, l'usage ôte à la langue la faculté de voir dans le mot plus qu'il ne contient, pris isolément en soi. Un des charmes des langues
anciennes est que la plupart des mots se laissent pénétrer par le regard de la pensée à une grande profondeur.