Dans la très ancienne langue,
jument signifiait seulement bête de somme, ce qui est le sens de
jumentum en latin.
Mais le mot s'était particularisé dès le treizième siècle, et, à côté de l'acception de bête de somme, il a aussi celle de cavale.
Aujourd'hui la première est absolument oblitérée, et il ne reste plus que la seconde. En ceci, la langue s'est montrée bien mauvaise ménagère des ressources
qu'elle possédait. Le latin lui avait fourni régulièrement
ive, de
equa, femelle du cheval. Elle n'avait aucune raison
de laisser perdre cet excellent mot ; mais surtout elle devait conserver à
jument son acception de bête de somme, non seulement à cause de
la descendance directe du latin, mais aussi à cause qu'il exprimait en un seul vocable ce que nous exprimons par la locution composée bête de somme. Or un vocable simple vaut
toujours mieux qu'un terme composé, autant pour la rapidité du langage que pour la précision.
Cavale ou
ive pour
la femelle du cheval,
jument pour toute bête de somme, voilà l'état ancien et bon de la langue. La malencontreuse aperception qui, dans le terme
générique de bête de somme, trouva le terme particulier de cavale, troubla tout.
Jument ainsi accaparé, comment faire pour rendre
jumentum ?
Il n'y avait plus d'autre recours qu'au lourd procédé des vocables composés ; procédé d'autant plus désagréable que le français n'a
pas la ressource de faire un seul mot de plusieurs et de dire bête-somme comme l'allemand dit
Lastthier.