De quelque façon que l'on se serve de ce verbe (et les emplois en sont fort divers), chacun songe à
rive comme radical ; car l'étymologie
est transparente. En effet, dans l'ancienne langue,
arriver signifie uniquement mener à la rive : « Li vens les arriva. » Il est aussi employé
neutralement avec le sens de venir à la rive, au bord : « Saint Thomas l'endemain en sa nef en entra ; Deus (Dieu) li donna bon vent, à Sanwiz
arriva. »
Chose singulière, malgré la présence évidente de
rive en ce verbe, le sens primordial s'oblitéra ; il ne fut plus question
de
rive : et
arriver prit la signification générale de venir à un point déterminé : arriver
à Paris ; puis, figurément : arriver aux honneurs, à la vieillesse. Mais là ne s'est pas arrêtée l'extension de la signification. On lui a donné
pour sujet des objets inanimés que l'on a considérés comme se mouvant et atteignant un terme : «De grands événements arrivèrent ; ce désordre
est arrivé par votre faute.» Enfin la dernière dégradation a été quand, pris impersonnellement,
arriver a exprimé un
accomplissement quelconque : « Il arriva que je le rencontrai. » Ici toute trace de l'origine étymologique est effacée ; pourtant la chaîne des significations
n'est pas interrompue. L'anomalie est d'avoir expulsé de l'usage le sens primitif ; et il est fâcheux de ne pas dire comme nos aïeux : Le vent les
arriva.