Tancer relève, à un double titre, de la pathologie : d'abord il a, dès l'origine, deux significations opposées, ce qui semble contradictoire ;
puis il a subi une dégradation et, du meilleur style où il figurait, il a passé au rang de terme familier. Les deux sens opposés, tous deux usités concurremment,
sont ceux de défendre et attaquer, de protéger et malmener. On explique cela, parce que le latin fictif
tentiare, dont vient
tancer,
contient le radical
tentus, de
tenere, lequel peut se prêter à la double signification. Mais il n'en est pas moins étrange
que les Romans, qui créèrent ce vocable, aient assez hésité sur le sens à lui attribuer pour aller les uns vers la protection et les autres vers l'attaque. C'est
un phénomène mental peu sain qu'il n'est pas inutile de signaler. Durant le douzième siècle et le treizième, les deux acceptions vécurent côte à
côte. Mais on se lassa de l'équivoque qui était ainsi entretenue. Le sens de protéger tomba en désuétude ; celui d'attaquer, malmener, prit le dessus.
Enfin, par une dernière mutation, la langue moderne en fit un synonyme de gronder, malmener en paroles.