Ce mot vient du latin vulgaire et relativement moderne
cara, qui signifiait face, et qui était lui-même une dérivation du grec
κάρα.
Cette altération du sens primitif, ce sont les Latins qui s'en sont chargés. Puis est venu le vieux français qui n'emploie le mot
chère
qu'au sens de face, de visage. Faire bonne chère, c'est faire bon visage ; de là à faire bon accueil il n'y a pas loin ; aussi cette acception a-t-elle eu cours
jusque dans le commencement du dix-septième siècle. Ces deux sens sont aujourd'hui hors d'usage ; le nouveau, qui les a rejetés dans la désuétude, est bien
éloigné : faire bonne chère, mauvaise chère, c'est avoir un bon repas, un mauvais repas. Sans doute, un bon repas est un bon accueil ; mais pour quelqu'un
qui ignore l'origine et l'emploi primitif du mot, il est impossible de soupçonner que le sens de visage est au fond de la locution. Ce qui est pis, c'est qu'évidemment l'usage moderne
s'est laissé tromper par la similitude de son entre chère et chair ; chair l'a conduit à l'idée de repas, et l'idée de repas a expulsé celle d'accueil.