Le quatorzième siècle a inauguré (du moins on n'en voit pas d'exemple auparavant) la fortune d'un mot aujourd'hui d'un usage fort étendu : ce mot est
méchant.
C'est le participe présent du verbe vieilli
méchoir, et d'abord il n'a désigné que celui qui a mauvaise chance. Il a passé de là
aux choses de peu de valeur : un
méchant livre ; et finalement, entrant dans le domaine moral, il s'est appliqué aux hommes d'un naturel pervers.
Il y a satisfaction à suivre ainsi la logique secrète de l'usage, qui dérive les significations l'une de l'autre ; il est intéressant aussi d'étudier comment
il se crée des doublets sans qu'on le veuille. La langue avait
mauvais, et
méchant au sens moral ne lui était pas
nécessaire. Mais
méchant s'établit ; il n'a d'abord aucune rivalité avec
mauvais. Il n'en est plus de
même quand il passe au sens moral ; et dès lors les auteurs de synonymes ont à chercher en quoi
méchant et
mauvais
s'accordent et différent. L'usage, dans ses actes d'un despotisme qui est loin d'être toujours éclairé, s'inquiète peu des soucis qu'il prépare aux grammairiens.