Il y avait dans le latin un mot
cohors ou
chors qui signifiait enclos. Il se transforma dans le bas latin en
curtis,
qui prit le sens général de demeure rurale. Devenu français, il s'écrivit, étymologiquement, avec un
t,
court,
et figure sous cette forme dans maints noms de lieux, en Normandie, en Picardie et ailleurs. Comme, sous les Mérovingiens et les Carolingiens, les seigneurs et les rois habitaient ordinairement
leurs maisons des champs,
court prit facilement le sens de lieu où séjourne un prince souverain. On a là un exemple de l'anoblissement des mots.
Celui-ci a quitté les champs pour entrer dans les villes et les palais. En la langue d'aujourd'hui, ces deux extrêmes se touchent encore : la basse-cour tient à l'usage
primitif, et la cour des princes, à l'usage dérivé. Une fausse étymologie, qui naquit dans le quatorzième siècle et tira notre mot de
curia,
y supprima le
t ; mais outre que le
t figure dans les dérivés,
courtois,
courtisan,
curia devrait donner non pas
cour, mais
cuire ou
coire. Nous avons laissé
la bonne orthographe des douzième et treizième siècles (
court), et gardé la mauvaise du quatorzième siècle ; si bien
qu'il est devenu difficile de comprendre comment, organiquement, on a fait pour former le dérivé
courtisan ; et l'usage est assez penaud quand on
lui représente que
courtisan jure avec
cour ainsi travesti.