Pour montrer la pathologie de ce mot, je suppose que le français soit aussi peu connu que l'est le zend, et qu'un érudit, recherchant dans un texte le sens de ce mot, procède
comme on fait dans le zend là où les documents sont absents, par voie d'étymologie ; il trouvera, avec toute raison, que
potence veut dire
puissance. Nous voilà bien loin du sens de gibet qu'a le mot. Comment faire pour le retrouver ? Suivons la filière que l'usage a suivie, filière capricieuse sans doute,
mais réelle pourtant. L'ancien français, se prévalant de l'idée de force et de soutien qui est dans
potence, s'en servit pour désigner
un bâton qui soutient, une béquille qui aide à marcher. Maintenant, pour passer au sens de gibet, on change de point de vue ; ce n'est point une idée, c'est une
forme qui détermine la nouvelle acception, et le gibet, avec sa pièce de bois droite et sa pièce transversale, est comparé à une béquille. Il faut laisser
la responsabilité de tout cela à l'usage, qui, ayant gibet, n'avait pas besoin de faire tant d'efforts pour s'engager dans un bizarre détour de significations.