Mon futur beau-père, le docteur Charon, était avant tout le fils de ses œuvres. il appartenait à une famille catholique de Nocé,
situé entre Nogent-le-Rotrou et Mortagne. Son grand-père, Gilles François Charon, décédé à 80 ans en 1865 habitait La Touche. Il avait servi sous Napoléon Ier
et avait épousé Rosalie Esnault décédée en 1867 dans sa 74e année. De ce mariage étaient nés :
- Charles Gilles François,
- Louis qui avait épouse Mlle Durand,
- Pauline qui avait épousé Mr Louis Aubert,
- François qui avait épousé Mlle Sidonie Morin, d'une famille de Ménil-Gondoin. [1]
Ce dernier ménage a été le seul à avoir des enfants : François, mon beau-père, Louise morte à 15 ans, Sidonie et Marie.
Les Louis Charon étaient logés dans l'extrémité ouest du bâtiment qui constituait une partie distincte de la partie est où habitaient les François Charon : il y exerçaient le métier de boulanger. Les Aubert (Pauline) avaient comme logement le bâtiment qui est actuellement le domicile de notre fermier. À leur mort, cette partie a été achetée par les Picard qui l'ont revendue plus tard à mon beau-père avec leur champ derrière la grange.
L'enfance de mon beau-père s'est passée jusqu'à l'âge de 12 ans à Nocé. Il avait été enfant de choeur et excellent élève de l'école communale de ce village. Son oncle Henry Morin, frère de sa mère, était parti tout jeune faire ses études à Paris. Il avait rencontré la fille du grand pasteur Adolphe Monod. Il s'était fait protestant et l'avait épousée [2]. Il était devenu médecin rue Bleue à Montmartre et avait eu de nombreux enfants. Voyant les dispositions de son neveu François Charon pour les études, il le prit avec lui, l'éleva avec ses enfants. Dans ce milieu, mon beau-père se convertit au protestantisme et, dès qu'il eut passé son baccalauréat, décida de devenir médecin comme son oncle et le fils aîné de ce dernier, Jean Morin, qui était son contemporain.
Mais mon beau-père ne voulut pas continuer à être à la charge de son oncle et de sa tante. Il entra comme maître d'études au collège Sainte-Barbe. Il travaillait la nuit pour préparer ses examens, étant pris une grande partie de la journée par ses fonctions.
Il avait passé le concours de l'externat des hôpitaux mais sa santé ne lui permit pas d'arriver à l'internat comme il l'aurait désiré. Vers la fin de ses études, il put entrer comme précepteur dans la famille du docteur Charles Monod, chirurgien des hôpitaux de Paris, qui avait de très nombreux enfants dont il n'avait pas le temps de s'occuper. Les Monod avaient l'habitude de venir passer leurs vacances à Meynard, la propriété à La Force des John Bost, qui étaient des amis des Monod [3].
Une inclination réciproque naquît entre François Charon qui accompagnait les Monod et Leïla, fille aînée des Bost. Les deux sœurs de François Charon se firent protestantes comme lui. L'aînée, Marie, épousa Mr Julien Heitz et n'eut pas d'enfants étant morte jeune. Sidonie se fit diaconesse et passa toute sa vie à la maison des diaconesses de Reuilly [4] où elle s'occupait du redressement des jeunes filles difficiles. Elle vivait pour son frère et ses neveux et avait un cœur aussi débordant de bonté que celui de son frère qui non seulement a eu une place éminente dans le quartier latin comme médecin des milieux universitaires et protestants mais a su s'attirer la reconnaissance et l'affection de toutes les familles pauvres qu'il soignait gratuitement.
Ma belle-mère, Leïla Bost, avait la rigidité de caractère et de principes de son père. Elle a su admirablement élever ses enfants.
Léopold Nègre
1- Ménil-Gondoin (département de l'Orne) se situe entre Argentan et Flers : voir carte IGN.
2- Henry Morin (Nocé, 1830 - La Force, 1899) épouse Mary Monod, fille du pasteur Adolphe Monod (1802-1856) : voir Musée protestant & Oratoire du Louvre & Monodgraphie (biographie, bibliographie)
Henry Morin habitait 17 rue Bleue, Faubourg-Montmartre, Paris IXe ; Voir Google maps.
3- Le médecin Charles Monod (1843-1921) est le neveu du pasteur Adolphe Monod (1802-1856).
Charles Monod est le père du pasteur Daniel Monod, né à Meynard, le 7 août 1885 ; Suzanne Charon est née à Meynard deux mois plus tard, le 8 octobre 1885.
Meynard est la propriété d'Eugénie Ponterie (1834-1887), l'épouse de John Bost.
Daniel Monod (1885-1955), pasteur et président du consistoire de Paris, est l'époux de Marthe Michel (1886-1974), fille de l'historien d'art André Michel (1853-1925), lui-même fils de Théophile Michel (1820-1904) et Zoé Nègre (1825-1905). Théophile Michel est l'associé d'Auguste Nègre, le grand-père de Léopold Nègre : voir la page de ses souvenirs sur la famille Nègre.
4- Voir Musée protestant : les diaconesses de Reuilly & le site de la fondation Diaconesses de Reuilly
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