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John Bost

  John Bost > par Armand Dupin de Saint-André

photo John Bost





Discours d'Armand Dupin de Saint-André
Pasteur de Tours
Fête des Asiles
1893

Vous avez bien voulu me demander de présider cette fête : c'est un grand bonheur pour moi et je vous en remercie d'autant plus cordialement que l'honneur est doublé d'un plaisir. Je vis isolé dans le centre de la France où nous sommes très disséminés. Nous n'avons jamais la satisfaction de voir groupée autour de nous, une foule comme celle-ci, et vraiment je suis heureux d'être au milieu de vous, de vous regarder, car j'ai le sentiment que je suis ici dans l'une des places fortes du protestantisme français.


Mais si vous êtes puissants par le nombre, vous l'êtes surtout par vos œuvres, et aussi longtemps que vous garderez la foi du fondateur des Asiles, du vénéré John Bost, le grand chrétien dont le souvenir plane sur toutes vos fêtes, aussi longtemps, que vous aurez le dévouement de ce philanthrope, qui a été l'une des gloires de notre église, vous aurez le droit de compter sur la bénédiction de Dieu. Or, je sais, Messieurs, que vous avez la même foi, et le même dévouement.

Permettez-moi de vous en féliciter.



Je n'ignore pas non plus, ce que vaut le Directeur actuel, M. le pasteur Rayroux. Si je ne craignais de l'offenser, je vous dirais ce que je pense de ce très cher et vieil ami, qui unit la douceur à la fermeté, qui souffre des souffrances de ceux qui l'entourent et qui s'est donné sans réserve, comme tous les siens, à l'œuvre dont il porte le poids. Mais si je parlais de lui, comme je désirerais le faire, il m'en voudrait peut-être et ce serait la première fois, depuis 35 ans, qu'un nuage passerait sur notre vieille amitié.



Je ne veux pas risquer l'aventure. J'aime mieux vous dire les impressions que j'ai reçues en visitant les asiles. Mais auparavant je vous demande la permission d'ouvrir une petite parenthèse. Pendant plusieurs années, j'ai été administrateur de l'hospice général de Tours, l'un des plus beaux et des mieux organisés de France ; j'ai visité dans notre pays et ailleurs, en Irlande, au Mexique, des établissements de même genre, je possède par conséquent quelques connaissances spéciales qui me permettent de bien voir. Je crois avoir bien vu et voici quelques-unes de mes impressions.



Dans la plupart des établissements hospitaliers, les malades sont entassés d'une façon anormale et absolument anti-hygiénique. Si les microbes ont un paradis, c'est dans les hospices qu'ils doivent le trouver : ils se promènent avec les poussières, voltigent dans l'air avec elles, se posent doucement sur leurs victimes et exercent en paix leur abominable métier de tueurs d'hommes, de femmes et d'enfants. Ici rien de pareil : beaucoup d'espace, de vastes, salles couvrant sur la campagne ; pas un mur qui arrête lèvent qui purifie ; du soleil partout.. Votre nouveau Béthesda est à ce point de vue : là, tout simplement parfait. Du reste ce que je dis de Béthesda s'applique à tous vos asiles, et si j'ai nommé celui-là, c'est qu'il me paraît encore supérieur aux autres. L'air y pénètre largement avec la lumière, et les séparations établies entre les lits, constituent un progrès sérieux. Vous avez voulu bien faire et vous avez réussi.



J'ai été frappé également par la bonne organisation de tous vos services ; sous votre habile direction les rouages divers de la grande machine fonctionnent à merveille. J'ai eu la curiosité de visiter par exemple votre boucherie et votre boulangerie, de regarder de près la viande et le pain ; j'y ai même goûté et je vous déclare que dans les maisons hospitalières auxquelles j'ai fait allusion, on n'a pas mieux. Vous pouvez supporter la comparaison sur ce point avec les plus grands hospices de France et de Navarre, qui ont eu tant de peine à unifier le pain, c'est-à-dire à donner aux malades non payants le même pain qu'aux pensionnaires, et à servir à tous de la viande saine et de bonne qualité. Vous avez agi très sagement en faisant les sacrifices nécessaires pour assurer une bonne alimentation à la population des asiles : une administration s'honore en s'occupant de ces questions d'alimentations dont l'importance ne saurait échapper à qui veut réfléchir un instant aux effets que produit sur une population affaiblie une nourriture insuffisante ou de mauvaise qualité. D'ailleurs ce que je viens de dire de la boucherie et de la boulangerie est vrai des autres services des asiles, on reconnaît partout la main d'une direction prévoyante et paternelle.



Autre remarque générale. Dans les hospices, ordinaires on soigne les corps ce qui n'est pas à dédaigner : « Guenille, si l'on veut, ma guenille, m'est chère, » a-t-on dit [1], et cette phrase traduit fort bien le sentiment universel. Il faut soigner le corps et vous vous acquittez fort, bien de cette tâche. J'ai été frappé de l'affection avec laquelle vos dévoués collaborateurs et collaboratrices s'occupent des malades. Chacun s'ingénie à adoucir leurs souffrances et ce spectacle est touchant, mais vous visez plus haut. Vous n'oubliez jamais cette parole de Jésus-Christ : Que servirait-il à un homme de gagner le monde entier, s'il perdait son âme ? ce qui veut dire qu'une âme vaut mieux qu'un monde, et c'est cette âme que vous voulez amener à Christ : c'est cette âme parfois endolorie, parfois à peine éveillée que vous avez la sainte ambition de consoler, de relever, d'ouvrir à la lumière. —Voilà ce qui donne à votre œuvre un caractère spécial de grandeur, car vous essayez de placer à côté de chacune des victimes de la vie dent vous avez pris la charge, une échelle de Jacob qui lui permette de s'élever jusqu'au ciel.



Je n'ai parlé jusqu'ici que des asiles dans, lesquels, des main des ou des enfants abandonnés trouvent un abri ; mais la Retraite et le Repos ne sont inférieurs à aucun point de vue aux autres établissements. Comme les premiers ils répondent à un besoin et comme eux ils sont admirablement organisés. Dans ces petites chambres claires et ouvertes sur le val de la Dordogne, tout invite au calme, tout apaise et console.



John Bost en créant ces deux maisons a montré qu'il n'était pas nécessaire d'être idiot pour avoir droit à sa sollicitude. Il a compris qu'il fallait un asile pour ceux qui n'ont pas de famille et que la vie a lassés. Nous ne saurions trop admirer la pensée qui l'a inspiré.


En somme, Messieurs, vous voyez devant vous un homme qui est sous le charme et tous ceux qui visitent vos asiles éprouvent les mêmes sentiments que moi. Voilà ce que je tenais à vous dire avant de donner la parole à ceux qui doivent la prendre aujourd'hui. Mais je ne m'arrêterai pas sans demander à Dieu de bénir les Asiles, le Comité, le Directeur, tous ceux qui travaillent avec vous, tous vos amis enfin dont le nombre est énorme et qui ne fera que grandir. Allez donc en avant avec courage et avec joie.



Armand Dupin de Saint-André
pasteur de Tours
Les Asiles John Bost, Rapport annuel
(1893)

Notes :

Armand Dupin de Saint-André (1840-1911) était pasteur à Sauveterre-de-Béarn puis à Tours (1876-1911)

Bibliographie :

Histoire du protestantisme en Touraine (1885)

Les Églises réformées disparues en Touraine : notices historiques (1894)

Le Mexique aujourd'hui, impressions et souvenirs de voyage (1884)

L'Afrique centrale, région des grands lacs, étude géographique (1880)

Méthode apologétique de Justin Martyr, thèse (1863)


1- Voir Molière, Les femmes savantes :

PHILAMINTE
Que ce discours grossier terriblement assomme !
Et quelle indignité pour ce qui s'appelle homme
D'être baissé sans cesse aux soins matériels,
Au lieu de se hausser vers les spirituels !
Le corps, cette guenille, est-il d'une importance,
D'un prix à mériter seulement qu'on y pense,
Et ne devons-nous pas laisser cela bien loin ?

CHRYSALE
Oui, mon corps est moi-même, et j'en veux prendre soin :
Guenille si l'on veut, ma guenille m'est chère.

Voir Molière 21 à propos de l'expression : ma guenille m'est chère

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Asiles de Laforce en 1878 : liste des bâtiments & résidents

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