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John Bost

  John Bost > par Clément de Fayes

photo John Bost





Les origines de l'Église et des œuvres de Laforce,
documents et souvenirs, de Benjamin Pozzy

compte-rendu par Clément de Fayes,
Évangile et liberté, journal religieux du canton de Vaud
(1894)



L'auteur n'a nullement eu le dessein d'écrire l'histoire des œuvres de Laforce, mais simplement d'en retracer l'origine. Il s'est convaincu qu'une légende entoure déjà la tète du vénérable John Bost et qu'il doit. rendre ce dernier service à son vieil ami et surtout à l'Église, colonne et appui de la vérité, en rétablissant les faits, en les rectifiant avant qu'aient disparu tous les fondateurs de ces belles œuvres.


Personne n'était mieux placé que le seul membre survivant de la Constituante de l'Église libre et l'un des fondateurs de ces asiles pour accomplir une tâche toujours délicate entre deux amis — et amis jusqu'à la fin. Disons sans ambages que deux questions, autres, se posent au sujet de Laforce pour ceux du dehors, — maintenant que ces vertes oasis ont surgi sous la rosée du ciel dans notre désert, qu'elles occupent une position indépendante de toute église et, qu'à l'égard de l'État, elles ont pignon sur rue.


La première question est celle-ci : John Bost s'est-il trouvé en face de la dissidence ?


Le digne père de John a écrit dans ses Mémoires qu'en devenant pasteur de Laforce, son flls acceptait simplement des faits accomplis (de la dissidence) et que, de plus, sa vie durant, il n'avait pris aucune part à la dissidence. — Quant au premier point, les faits accomplis, M. Pozzy établit, preuves en main, que l'église de Laforce, loin d'être dissidente, lors de l'appel de John Bost « n'avait jamais fait venir de pasteur dissident à Laforce avant l'arrivée » de celui-ci. Les seuls pasteurs, dit notre auteur, que les fidèles aient appelés avant lui, étaient M. Hugues et moi, tous deux alors de l'Église nationale.


Il n'y avait donc pas à accepter des faits accomplis C'est l'inverse qui existait : la crainte de tremper dans la dissidence, comme le prouve une confidence que fait John Bost son ami : Je vois clairement, lui écrit-il, que si l'Église (de Laforce) devient indépendante, je serai seul à conduire ce troupeau. Il consulte même son ami sur la possibilité ou non que le Consistoire de Bergerac le prit pour suffragant et cela, dit-il, éviterait une séparation. Laforce combattait alors la nomination d'un pasteur rationaliste que le Consistoire de Bergerac voulait imposer à toute l'Église. Est-ce la lutte à Laforce qui induisit en erreur le père de John Bost, en y ajoutant le fait que l'Église de Laforce faisait prècher dans sa chaire (sans cesser pourtant de se rattacher à l'Église réformée) seulement des pasteurs orthodoxes ?


La seconde question que fait naître l'affirmation du père de notre ami est-celle-ci : Sa vie durant, John Bost n'a-t-il pris aucune part à la dissidence ? — Il suffit pour répondre à cette question de consulter les rapports imprimés du pasteur de Laforce aux divers synodes de l'Église libre, dont Laforce fit ensuite partie ; notant les passages où le pasteur énonce à fois réitérées ses principes ecclésiastiques.


La seconde question que fait naître l'affirmation du père de notre ami est-celle-ci : Sa vie durant, John Bost n'a-t-il pris aucune part à la dissidence ? — Il suffit pour répondre à Cette question de consulter les rapports imprimés du pasteur de Laforce aux divers synodes de l'Église libre, dont Laforce fit ensuite partie ; notant les passages où le pasteur énonce à fois réitérées ses principes ecclésiastiques. D'abord John Bost faisait partie du Synode constituant (Paris 1819) et mème de la Commission chargée de préparer le projet de Constitution. Il signa la déclaration de la Constituante dont le but était de maintenir la saine doctrine, la profession individuelle de la foi et la distinction de l'Église et du monde Le Synode avait eu lieu en août, fait observer M. Pozzy, et à ce moment, l'église de Laforce, n'avait pas pris position, elle ne s'était pas encore prononcée ». Ce ne fut qu'en décembre qu'elle envoya son adhésion à l'Union. Une année plus tard, le pasteur de Laforce disait devant le Synode de Sainte-Foy (1850), parlant de l'isolement de son Église par rapport à toutes les autres Églises » : Nous n'étions pas une église. L'idée de l'Église, méconnue jusqu'alors, commençait à poindre dans l'esprit de plusieurs. Au Synode de Paris, 1852, John Bost affirme dans son rapport que l'Église est vraiment une assemblée distincte du monde.


Et l'affirmation s'accentue aux Synodes de Mazamet (1855), et du Vigan (1858). Dans celui de Laforce (1862), nous lisons : « Nous avons cru reconnaître la nécessité d'une ligne de démarcation établir entre la participation à la Cène, l'admission dans l'Église et l'exercice des fonctions dans l'Église », et encore : « Pour nous la Cène n'est pas l'entrée dans l'Église. Il est vrai qu'au Synode de Bergerac (1868), notre cher pasteur devait dire le contraire : « Plusieurs catéchumènes ont été admis à la Cène ; nous ne les regardons pas comme des membres de l'Église, à tort, croyons-nous. Prendre le corps et le sang du Sauveur et ne pas être membre de l'Église, cela nous parait une anomalie qui doit cesser. Nous sommes arrivés à la conviction que tout catéchumène admis à la Cène, sera par cela mème un membre de l'Église. (C'est toujours M. Pozzy qui souligne).


Après cette rétractation toute gratuite, ce qui étonne, c'est que John Bost eût encore présenté ses rapports d'un scepticisme ecclésiastique remarquable aux Synodes de Mazamet (1871), de Saint-Jean-du-Gard (1873) et de Laforce (1875). À ce dernier Synode, il annonce que ses asiles vont se détacher de l'Église de Laforce et de l'Union des Églises et « qu'appartenant aux protestants de France, ils seront administrés par un Comité. Le presbytère de Laforce n'a aucun droit sur ces asiles. Leur administration ne le concerne pas, et l'Union non plus n'a aucune qualité pour les réclamer comme lui appartenant. Quand les Églises de France se seront assises sur une base solide, qu'elles se seront constituées, le Conseil d'administration, s'il y a lieu, verra s'il doit ou non, rattacher ces asiles à une portion du protestantisme français. » — On connaît le dénouement du drame. Avec MM. Eugène Bersier et Théodore Monod, John Bost sortit de l'Union des Églises libres, se joignit en 1877 aux Églises réformées et, sans autre avis, en informa son Église en juillet. Une partie de celle-ci est restée fidèle à ses principes. — On ne peut qu'admirer l'esprit débonnaire et large avec lequel la Commission synodale écrivit alors l'Église de Laforce qui croyait que la Commission allait jeter un blâme sur elle : Jamais nous n'exercerons de pression sur les membres d'une fédération évangélique qui n'a d'autre lien que la foi de ses membres et leur cordiale adhésion à notre organisation ecclésiastique. Jamais nous ne nous permettrons ide juger la conscience de nos frères, mème quand ils nous causent par leur séparation d'avec nous une peine proportionnée à l'estime et à l'affection que nous leur portons. —La lettre ajoute : « Pas une parole d'amertume ni de blâme n'a été prononcée dans notre Synode, au sujet de la décision prise par votre cher pasteur. Ceux qui, par la grâce de Dieu, parlaient ce langage si rare, mais essentiellement évangélique, pouvaient aussi écrire (mais dans l'humilité) à ceux qui les quittaient : « Nous sommes les églises de la liberté chrétienne. »


Enfin l'auteur signale un point auquel la légende en formation se fixe obstinément : c'est que le dévoué John Bost ait porté seul l'écrasant fardeau de fondateur des asiles. Mais en en retraçant l'origine, l'historien véridique, j'entends M. Pozzy, montre quelle part l'église de Laforce et ses nombreux amis en pays de langue française et en Grande-Bretagne, ont pris à ces belles œuvres... de Dieu.


En terminant, je voudrais prévenir un jugement téméraire auquel j'expose le lecteur, en me contentant d'un compte rendu des pages si émouvantes de l'auteur. J'ai passé le récit des origines que je n'ai pu lire sans larmes. Sunt lacrymæ rerum, mais que le lecteur, lui, ne passera pas. On peut croire qu'il s'agit d'un réquisitoire lancé contre un noble cœur, un — ou bien que M. fidèle ami qui n'est plus Pozzy, le vieux lutteur pour l'indépendance de l'Église, a fait un habile plaidoyer en faveur de son église, pro domo sua ! Ni l'un, ni l'autre. L'auteur ne s'est érigé ni en juge ni en avocat. Il s'est fait historien et historien puisant aux sources. « Les faits, dit-il judicieusement, qui se rapportent aux origines de l'église et des œuvres de Laforce appartiennent à l'histoire. Bientôt, tous ceux qui furent les témoins ou les acteurs des faits qu'il relate, auront disparu. » Qu'on lise donc cet important document sans parti pris, car si l'auteur s'est inspiré du vieil et noble adage : Amicus Plato sed magis amica veritas, Benjamin Pozzy n'en est pas moins resté dans toute cette histoire (car ce n'est pas un procès) le fidus Achates de John Bost, du débutant au collège de Sainte-Foy (1841), ou comme il le dit mieux que moi « le confident de ses pensées dès son arrivée à Laforce » Aussi n'y a-t-il rien d'exagéré dans cette effusion fraternelle qui termine le livre : « Tout le temps que dura la période des origines de l'Église et des asiles, nous avons marché côte à côte et pour ainsi dire la main dans la main. »


Le premier rapport qui fit connaître au public chrétien l'ouverture de la Famille était signé de nous deux, lui comme directeur, moi comme secrétaire. Nul, j'ose le dire, ne fut mieux à même de le connaître, de savoir ce qu'il était, ce qu'il lui a fallu de foi, d'énergie, de dévouement pour entreprendre ce qu'il a fait et le mener à bonne fin. Nul, non plus ne fut mieux placé pour le juger à sa valeur, apprécier les dons éminents qu'il avait reçus. Homme du monde, à ses heures, artiste dans l'âme, gracieux, aimable, il avait tout pour séduire ceux qu'il voulait gagner à sa cause. « C'est un voleur, » disait après l'avoir entendu, au sortir d'une soirée organisée en faveur des asiles, une dame qui s'était promis de ne rien donner et n'avait pu s'empêcher de vider sa bourse. Pour réaliser ce qu'il avait conçu, il possédait des qualités de premier ordre, « le coup d'œil prompt, le sens pratique, l'autorité du commandement, et avec cela tant de charmes dans les manières, quelque chose de si sympathique dans la voix, de si pénétrant dans le regard, qu'on s'explique sans peine l'ascendant qu'il exerçait sur son entourage. Pour l'œuvre à laquelle Dieu l'avait appelé, il était vraiment the right man in the right place » (p. 173).






Clément de Fayes,
condisciple de John Bost à Sainte-Foy (1842-1843)
Évangile et liberté
Journal religieux du canton de Vaud
(1894)
Benjamin Pozzi

Benjamin Pozzy

Notes :

Benjamin Pozzy (Pozzi) (1820-1905) est pasteur de l'église de Bergerac de 1843 à 1849. Il quitte l'Église réformée pour rejoindre l'Église évangélique libre fondée par Frédéric Monod. Il participe à la fondation de l'église évangélique libre de La Force. En 1849, il fonde l'église évangélique libre de Bergerac. Puis il est pasteur à Pau et Bordeaux.

Voir Encyclopédie des sciences religieuses : Dominique-Benjamin Pozzy (1882)

Voir Bibliographie générale de l'Agenais : Benjamin Pozzy et son frère Jean-André, dit Adrien, Pozzy, poète, auteur de textes en patois, par Jules Andrieu (1887)

Le père de Benjamin Pozzi est originaire de Poschiavo, vallée italophone des Grisons (au sud-est de Saint-Moritz).

Voir L'odyssée des pâtissiers grisons par Jean-Claude Romanens, in Suisse magazine (2010)

Benjamin Pozzi épouse Inès Escot-Meslon (1821-1857).

Leur fils, Samuel Pozzi (1846-1918), né à Bergerac, est chirurgien, pionnier de la gynécologie moderne (voir Wikipédia).

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