Genève
Cette ville est située sur deux collines, à l'endroit où finit le lac qui porte aujourd'hui son nom, et qu'on appelloit autrefois lac Leman. La situation en est très-agréable ; on voit d'un côté le lac, de l'autre le Rhone, aux environs une campagne riante, des côteaux couverts de maisons de campagne le long du lac, et à quelques lieues les sommets toûjours glacés des Alpes, qui paroissent des montagnes d'argent lorsqu'ils sont éclairés par le soleil dans les beaux jours. Le port de Genève sur le lac avec des jettées, ses barques, ses marchés, etc. et sa position entre la France, l'Italie et l'Allemagne, la rendent industrieuse, riche et commerçante. Elle a plusieurs beaux édifices et des promenades agréables ; les rues sont éclairées la nuit, et l'on a construit sur le Rhone une machine à pompes fort simple, qui fournit de l'eau jusqu'aux quartiers les plus élevés, à cent piés de haut. Le lac est d'environ dix-huit lieues de long, et de quatre à cinq dans sa plus grande largeur. C'est une espece de petite mer qui a ses tempêtes, et qui produit d'autres phénomenes curieux.
Jules César parle de Genève comme d'une ville des Allobroges, alors province romaine ; il y vint pour s'opposer au passage des Helvétiens, qu'on a depuis appellés Suisses. Dès que le Christianisme fut introduit dans cette ville, elle devint un siége épiscopal, suffragant de Vienne. Au commencement du Ve siecle, l'empereur Honorius la céda aux Bourguignons, qui en furent dépossédés en 534 par les rois francs. Lorsque Charlemagne, sur la fin du jx. siecle, alla combattre le roi des Lombards et délivrer le pape (qui l'en récompensa bien par la couronne impériale), ce prince passa à Genève, et en fit le rendez-vous général de son armée. Cette ville fut ensuite annexée par héritage à l'empire germanique, et Conrad y vint prendre la couronne impériale en 1034. Mais les empereurs ses successeurs occupés d'affaires très-importantes, que leur susciterent les papes pendant plus de 300 ans, ayant négligé d'avoir les yeux sur cette ville, elle secoüa insensiblement le joug, et devint une ville impériale qui eut son évêque pour prince, ou plutôt pour seigneur, car l'autorité de l'évêque étoit tempérée par celle des citoyens. Les armoiries qu'elle prit dès-lors exprimoient cette constitution mixte ; c'étoit une aigle impériale d'un côté, et de l'autre une clé représentant le pouvoir de l'Eglise, avec cette devise, post tenebras lux. La ville de Genève a conservé ces armes après avoir renoncé à l'église romaine, elle n'a plus de commun avec la papauté que les clés qu'elle porte dans son écusson ; il est même assez singulier qu'elle les ait conservées, après avoir brisé avec une espece de superstition tous les liens qui pouvoient l'attacher à Rome ; elle a pensé apparemment que la devise post tenebras lux, qui exprime parfaitement, à ce qu'elle croit, son état actuel par rapport à la religion, lui permettoit de ne rien changer au reste de ses armoiries.
Les ducs de Savoie voisins de Genève, appuyés quelquefois par les évêques, firent insensiblement et à différentes reprises des efforts pour établir leur autorité dans cette ville ; mais elle y résista avec courage, soûtenue de l'alliance de Fribourg et de celle de Berne : ce fut alors, c'est-à-dire vers 1526, que le conseil des deux-cens fut établi. Les opinions de Luther et de Zuingle commençoient à s'introduire ; Berne les avoit adoptées : Genève les goûtoit, elle les admit enfin en 1535 ; la papauté fut abolie ; et l'évêque qui prend toûjours le titre d'évêque de Genève sans y avoir plus de jurisdiction que l'évêque de Babylone n'en a dans son diocèse, est résident à Annecy depuis ce tems-là.
On voit encore entre les deux portes de l'hôtel-de-ville de Genève, une inscription latine en mémoire de l'abolition de la religion catholique. Le pape y est appellé l'antechrist ; cette expression que le fanatisme de la liberté et de la nouveauté s'est permise dans un siecle encore à demi-barbare, nous paroît peu digne aujourd'hui d'une ville aussi philosophe. Nous osons l'inviter à substituer à ce monument injurieux et grossier, une inscription plus vraie, plus noble, et plus simple. Pour les Catholiques, le pape est le chef de la véritable église, pour les Protestans sages et modérés, c'est un souverain qu'ils respectent comme prince sans lui obéir : mais dans un siecle tel que le nôtre il n'est plus l'antechrist pour personne.
Genève pour défendre sa liberté contre les entreprises des ducs de Savoie et de ses évêques, se fortifia encore de l'alliance de Zurich, et sur-tout de celle de la France. Ce fut avec ces secours qu'elle résista aux armes de Charles Emmanuel et aux thrésors de Philippe II. prince dont l'ambition, le despotisme, la cruauté et la superstition, assûrent à sa mémoire l'exécration de la postérité. Henri IV. qui avoit secouru Genève de 300 soldats, eut bien-tôt après besoin lui-même de ses secours ; elle ne lui fut pas inutile dans le tems de la ligue et dans d'autres occasions : de-là sont venus les priviléges dont les Génevois joüissent en France comme les Suisses.
Ces peuples voulant donner de la célébrité à leur ville, y appellerent Calvin, qui joüissoit avec justice d'une grande réputation, homme de lettres du premier ordre, écrivant en latin aussi-bien qu'on le peut faire dans une langue morte, et en françois avec une pureté singuliere pour son tems ; cette pureté que nos habiles grammairiens admirent encore aujourd'hui, rend ses écrits bien supérieurs à presque tous ceux du même siecle, comme les ouvrages de MM. de Port-Royal se distinguent encore aujourd'hui par la même raison, des rapsodies barbares de leurs adversaires et de leurs contemporains. Calvin jurisconsulte habile et théologien aussi éclairé qu'un hérétique le peut être, dressa de concert avec les magistrats, un recueil de lois civiles et ecclésiastiques, qui fut approuvé en 1543 par le peuple, et qui est devenu le code fondamental de la république. Le superflu des biens ecclésiastiques qui servoient avant la réforme à nourrir le luxe des évêques et de leurs subalternes, fut appliqué à la fondation d'un hôpital, d'un collége et d'une académie : mais les guerres que Genève eut à soûtenir pendant près de soixante ans, empêcherent les Arts et le Commerce d'y fleurir autant que les Sciences. Enfin le mauvais succès de l'escalade tentée en 1602 par le duc de Savoie, a été l'époque de la tranquillité de cette république. Les Génevois repousserent leurs ennemis qui les avoient attaqués par surprise ; et pour dégoûter le duc de Savoie d'entreprises semblables, ils firent pendre treize des principaux généraux ennemis. Ils crurent pouvoir traiter comme des voleurs de grand-chemin, des hommes qui avoient attaqué leur ville sans déclaration de guerre : car cette politique singuliere et nouvelle, qui consiste à faire la guerre sans l'avoir déclarée, n'étoit pas encore connue en Europe ; et eût-elle été pratiquée dèslors par les grands états, elle est trop préjudiciable aux petits, pour qu'elle puisse jamais être de leur goût.
Le duc Charles Emmanuel se voyant repoussé et ses généraux pendus, renonça à s'emparer de Genève. Son exemple servit de leçon à ses successeurs ; et depuis ce tems, cette ville n'a cessé de se peupler, de s'enrichir et de s'embellir dans le sein de la paix. Quelques dissensions intestines, dont la derniere a éclaté en 1738, ont de tems en tems altéré legerement la tranquillité de la république ; mais tout a été heureusement pacifié par la médiation de la France et des Cantons confédérés ; et la sûreté est aujourd'hui établie au dehors plus fortement que jamais, par deux nouveaux traités, l'un avec la France en 1749, l'autre avec le roi de Sardaigne en 1754.
C'est une chose très-singuliere, qu'une ville qui compte à peine 24000 ames, et dont le territoire morcelé ne contient pas trente villages, ne laisse pas d'être un état souverain, et une des villes les plus florissantes de l'Europe : riche par sa liberté et par son commerce, elle voit souvent autour d'elle tout en feu sans jamais s'en ressentir ; les évenemens qui agitent l'Europe ne sont pour elle qu'un spectacle, dont elle joüit sans y prendre part : attaché aux François par ses alliances et par son commerce, aux Anglois par son commerce et par la religion, elle prononce avec impartialité sur la justice des guerres que ces deux nations puissantes se font l'une à l'autre, quoiqu'elle soit d'ailleurs trop sage pour prendre aucune part à ces guerres, et juge tous les souverains de l'Europe, sans les flater, sans les blesser, et sans les craindre.
La ville est bien fortifiée, sur-tout du côté du prince qu'elle redoute le plus, du roi de Sardaigne. Du côté de la France, elle est presqu'ouverte et sans défense. Mais le service s'y fait comme dans une ville de guerre ; les arsénaux et les magasins sont bien fournis ; chaque citoyen y est soldat comme en Suisse et dans l'ancienne Rome. On permet aux Génevois de servir dans les troupes étrangeres ; mais l'état ne fournit à aucune puissance des compagnies avoüées, et ne souffre dans son territoire aucun enrôlement.
Quoique la ville soit riche, l'état est pauvre par la répugnance que témoigne le peuple pour les nouveaux impôts, même les moins onéreux. Le revenu de l'état ne va pas à cinq cent mille livres monnoie de France ; mais l'économie admirable avec laquelle il est administré, suffit à tout, et produit même des sommes en reserve pour les besoins extraordinaires.
On distingue dans Genève quatre ordres de personnes : les citoyens qui sont fils de bourgeois et nés dans la ville ; eux seuls peuvent parvenir à la magistrature : les bourgeois qui sont fils de bourgeois ou de citoyens, mais nés en pays étranger, ou qui étant étrangers ont acquis le droit de bourgeoisie que le magistrat peut conférer ; ils peuvent être du conseil général, et même du grand-conseil appellé des deux-cens. Les habitans sont des étrangers, qui ont permission du magistrat de demeurer dans la ville, et qui n'y sont rien autre chose. Enfin les natifs sont les fils des habitans ; ils ont quelques priviléges de plus que leurs peres, mais ils sont exclus du gouvernement.
A la tête de la république sont quatre syndics, qui ne peuvent l'être qu'un an, et ne le redevenir qu'après quatre ans. Aux syndics est joint le petit conseil, composé de vingt conseillers, d'un thrésorier et de deux secrétaires d'état, et un autre corps qu'on appelle de la justice. Les affaires journalieres et qui demandent expédition, soit criminelles, soit civiles, sont l'objet de ces deux corps.
Le grand-conseil est composé de deux cent cinquante citoyens ou bourgeois ; il est juge des grandes causes civiles, il fait grace, il délibere sur ce qui doit être porté au conseil général. Ce conseil général embrasse le corps entier des citoyens et des bourgeois, excepté ceux qui n'ont pas vingt-cinq ans, les banqueroutiers, et ceux qui ont eu quelque flétrissure. C'est à cette assemblée qu'appartiennent le pouvoir législatif, le droit de la guerre et de la paix, les alliances, les impôts et l'élection des principaux magistrats, qui se fait dans la cathédrale avec beaucoup d'ordre et de décence, quoique le nombre des votans soit d'environ 1500 personnes.
On voit par ce détail que le gouvernement de Genève a tous les avantages et aucun des inconvéniens de la démocratie ; tout est sous la direction des syndics, tout émane du petit-conseil pour la délibération, et tout retourne à lui pour l'exécution : ainsi il semble que la ville de Genève ait pris pour modele cette loi si sage du gouvernement des anciens Germains ; de minoribus rebus principes cousultant, de majoribus omnes, ita tamen, ut ea quorum penes plebem arbitrium est, apud principes praetractentur. (1)
Le droit civil de Genève est presque tout tiré du droit romain, avec quelques modifications : par exemple, un pere ne peut jamais disposer que de la moitié de son bien en faveur de qui il lui plaît ; le reste se partage également entre ses enfans. Cette loi assûre d'un côté la dépendance des enfans, et de l'autre elle prévient l'injustice des peres.
M. de Montesquieu appelle avec raison une belle loi, celle qui exclut des charges de la république les citoyens qui n'acquitent pas les dettes de leur pere après sa mort, et à plus forte raison ceux qui n'acquitent pas leurs dettes propres.
L'on n'étend point les degrés de parenté qui prohibent le mariage, au-delà de ceux que marque le Lévitique : ainsi les cousins-germains peuvent se marier ensemble ; mais aussi point de dispense dans les cas prohibés. On accorde le divorce en cas d'adultere ou de désertion malicieuse, après des proclamations juridiques.
La justice criminelle s'exerce avec plus d'exactitude que de rigueur. La question, déjà abolie dans plusieurs états, et qui devroit l'être par-tout comme une cruauté inutile, est proscrite à Genève ; on ne la donne qu'à des criminels déjà condamnés à mort, pour découvrir leurs complices, s'il est nécessaire. L'accusé peut demander communication de la procédure, et se faire assister de ses parens et d'un avocat pour plaider sa cause devant les juges à huis ouverts. Les sentences criminelles se rendent dans la place publique par les syndics, avec beaucoup d'appareil.
On ne connoît point à Genève de dignité héréditaire ; le fils d'un premier magistrat reste confondu dans la foule, s'il ne s'en tire par son mérite. La noblesse ni la richesse ne donnent ni rang, ni prérogatives, ni facilité pour s'élever aux charges : les brigues sont séverement défendues. Les emplois sont si peu lucratifs, qu'ils n'ont pas de quoi exciter la cupidité ; ils ne peuvent tenter que des ames nobles, par la considération qui y est attachée.
On voit peu de procès ; la plûpart sont accommodés par des amis communs, par les avocats même, et par les juges.
Des lois somptuaires défendent l'usage des pierreries et de la dorure, limitent la dépense des funérailles, et obligent tous les citoyens à aller à pié dans les rues : on n'a de voitures que pour la campagne. Ces lois, qu'on regarderoit en France comme trop séveres, et presque comme barbares et inhumaines, ne sont point nuisibles aux véritables commodités de la vie, qu'on peut toûjours se procurer à peu de frais ; elles ne retranchent que le faste, qui ne contribue point au bonheur, et qui ruine sans être utile.
Il n'y a peut-être point de ville où il y ait plus de mariages heureux ; Genève est sur ce point à deux cent ans de nos moeurs. Les réglemens contre le luxe font qu'on ne craint point la multitude des enfans ; ainsi le luxe n'y est point, comme en France, un des grands obstacles à la population.
On ne souffre point à Genève de comédie ; ce n'est pas qu'on y desapprouve les spectacles en eux mêmes, mais on craint, dit-on, le goût de parure, de dissipation et de libertinage que les troupes de comédiens répandent parmi la jeunesse. Cependant ne seroit-il pas possible de remédier à cet inconvénient, par des lois séveres et bien exécutées sur la conduite des comédiens ? Par ce moyen Genève auroit des spectacles et des moeurs, et joüiroit de l'avantage des uns et des autres : les représentations théatrales formeroient le goût des citoyens, et leur donneroient une finesse de tact, une délicatesse de sentiment qu'il est très-difficile d'acquérir sans ce secours ; la littérature en profiteroit, sans que le libertinage fît des progrès, et Genève réuniroit à la sagesse de Lacédémone la politesse d'Athenes. Une autre considération digne d'une république si sage et si éclairée, devroit peut-être l'engager à permettre les spectacles. Le préjugé barbare contre la profession de comédien, l'espece d'avilissement où nous avons mis ces hommes si nécessaires au progrès et au soûtien des Arts, est certainement une des principales causes qui contribue au déréglement que nous leur reprochons : ils cherchent à se dédommager par les plaisirs, de l'estime que leur état ne peut obtenir. Parmi nous, un comédien qui a des moeurs est doublement respectable ; mais à peine lui en sait-on quelque gré. Le traitant qui insulte à l'indigence publique et qui s'en nourrit, le courtisan qui rampe, et qui ne paye point ses dettes, voilà l'espece d'hommes que nous honorons le plus. Si les comédiens étoient non-seulement soufferts à Genève, mais contenus d'abord par des réglemens sages, protégés ensuite, et même considérés dès qu'ils en seroient dignes, enfin absolument placés sur la même ligne que les autres citoyens, cette ville auroit bientôt l'avantage de posséder ce qu'on croit si rare, et ce qui ne l'est que par notre faute, une troupe de comédiens estimable. Ajoûtons que cette troupe deviendroit bientôt la meilleure de l'Europe ; plusieurs personnes pleines de goût et de disposition pour le théatre, et qui craignent de se deshonorer parmi nous en s'y livrant, accourroient à Genève, pour cultiver non-seulement sans honte, mais même avec estime, un talent si agréable et si peu commun. Le séjour de cette ville, que bien des François regardent comme triste par la privation des spectacles, deviendroit alors le séjour des plaisirs honnêtes, comme il est celui de la Philosophie et de la liberté ; et les étrangers ne seroient plus surpris de voir que dans une ville où les spectacles décens et réguliers sont défendus, on permette des farces grossieres et sans esprit, aussi contraires au bon goût qu'aux bonnes moeurs. Ce n'est pas tout : peu-à-peu l'exemple des comédiens de Genève, la régularité de leur conduite, et la considération dont elle les feroit jouïr, serviroient de modele aux comédiens des autres nations, et de leçon à ceux qui les ont traités jusqu'ici avec tant de rigueur et même d'inconséquence. On ne les verroit pas d'un côté pensionnés par le gouvernement, et de l'autre un objet d'anathème ; nos prêtres perdroient l'habitude de les excommunier, et nos bourgeois de les regarder avec mépris ; et une petite république auroit la gloire d'avoir réformé l'Europe sur ce point, plus important peut-être qu'on ne pense.
Genève a une université qu'on appelle académie, où la jeunesse est instruite gratuitement. Les professeurs peuvent devenir magistrats, et plusieurs le sont en effet devenus, ce qui contribue beaucoup à entretenir l'émulation et la célébrité de l'académie. Depuis quelques années on a établi aussi une école de dessein. Les avocats, les notaires, les medecins etc. forment des corps auxquels on n'est aggrégé qu'après des examens publics ; et tous les corps de métier ont aussi leurs réglemens, leurs apprentissages, et leurs chefs-d'oeuvre.
La bibliotheque publique est bien assortie ; elle contient vingt-six mille volumes, et un assez grand nombre de manuscrits. On prête ces livres à tous les citoyens, ainsi chacun lit et s'éclaire : aussi le peuple de Genève est-il beaucoup plus instruit que par-tout ailleurs. On ne s'apperçoit pas que ce soit un mal, comme on prétend que ç'en seroit un parmi nous. Peut-être les Génevois et nos politiques ont-ils également raison.
Après l'Angleterre, Genève a reçû la premiere l'inoculation de la petite vérole, qui a tant de peine à s'établir en France, et qui pourtant s'y établira, quoique plusieurs de nos medecins la combattent encore, comme leurs prédécesseurs ont combattu la circulation du sang, l'émétique, et tant d'autres vérités incontestables ou de pratiques utiles.
Toutes les Sciences et presque tous les Arts ont été si bien cultivés à Genève, qu'on seroit surpris de voir la liste des savans et des artistes en tout genre que cette ville a produits depuis deux siecles. Elle a eu même quelques fois l'avantage de posséder des étrangers célebres, que sa situation agréable, et la liberté dont on y joüit, ont engagés à s'y retirer ; M. de Voltaire, qui depuis trois ans y a établi son séjour, retrouve chez ces républicains les mêmes marques d'estime et de considération qu'il a reçûes de plusieurs monarques.
La fabrique qui fleurit le plus à Genève, est celle de l'Horlogerie ; elle occupe plus de cinq mille personnes, c'est-à-dire plus de la cinquieme partie des citoyens. Les autres arts n'y sont pas négligés, entr'autres l'Agriculture ; on remédie au peu de fertilité du terroir à force de soins et de travail.
Toutes les maisons sont bâties de pierre, ce qui prévient très-souvent les incendies, auxquels on apporte d'ailleurs un promt remede, par le bel ordre établi pour les éteindre.
Les hôpitaux ne sont point à Genève, comme ailleurs, une simple retraite pour les pauvres malades et infirmes : on y exerce l'hospitalité envers les pauvres passans ; mais sur-tout on en tire une multitude de petites pensions qu'on distribue aux pauvres familles, pour les aider à vivre sans se déplacer, et sans renoncer à leur travail. Les hôpitaux dépensent par an plus du triple de leur revenu, tant les aumônes de toute espece sont abondantes.
Notes→ La religion de Genève dans l'Encyclopédie
→ Genève
→ Encyclopédie de Diderot & d'Alembert
→ documents : index